2023-01-25

J'ai tué mon Auteur - Prologue


Et si, la lecture du prologue de « J’ai tué mon auteur » vous donnait le goût de vous le procurer dans la boutique en ligne des éditions Noir Québec (https://bit.ly/3Hah8O4) ou de l’emprunter à votre bibliothèque municipale !

 

Je l’avoue.

J’ai assassiné CELUI qui m’a créé, qui m’a imaginé, qui m’a donné vie.

Et j’ai prémédité ce meurtre avec rancœur.

D’entrée de jeu, je vous fais grâce d’une constante dans tout bon polar: celle de l’épilogue qui vous ferait découvrir le responsable improbable de cette vengeance après une enquête truffée de rebondissements tout aussi déroutants les uns que les autres. De surcroît, je vous épargne de longues descriptions des lieux et des décors où se déroule l’action. Sans détour, je plaide publiquement coupable d’un homicide mûrement planifié.

Je ne cours aucun risque en avouant mon crime.

Aucun policier ou détective d’une instance municipale, nationale, voire internationale, ne peut me mettre la main au collet.

Aucun procureur général de la poursuite ne peut porter quelque accusation que ce soit contre moi.

Aucun avocat, même le plus véreux, ne peut me défendre.

Aucun jury ne peut me déclarer coupable.

Aucun juge ne peut m’infliger une peine.

Je suis un personnage fictif sans existence réelle. En toute impunité, je peux passer aux aveux sans aucun risque.

J’ai donc pris la décision de publier moi-même mon récit.

D’en assurer sa diffusion; sa vente dans des boutiques en ligne; sa disponibilité dans des magasins à très grandes surfaces, exposé derrière un barrage de babioles en tout genre, ou mieux, dans des librairies indépendantes;

D’en voir son accessibilité dans un maximum de bibliothèques; son éventuel accueil par la critique dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux, même si je ne me fais pas d’illusion.

Enfin de jouir de son acquisition par un grand nombre de lect…

Le rêve et la finalité de tout écrivain.

Et qui sait, porté à l’écran par un réalisateur empathique grâce aux investissements publics ou à l’enthousiasme des Netflix de ce monde.

Après tout, ce n’est pas tous les jours que le personnage principal d’un roman se transforme en auteur pour raconter sa propre histoire pathétique.

Vous qui tenez entre vos mains cette plaquette en fibres végétales ou dématérialisée que vous avez achetée ou empruntée, je vous remercie pour l’audace de votre choix.

Tel Ulysse appâté par le chant fatal des sirènes mythologiques, vous n’avez pas succombé au charme enjôleur des vedettes hypermédiatisées en ne vous précipitant pas vers elles malgré une forte tentation.

Je suis d’autant plus motivé de partager avec vous ce que vous ignorez du monde «idyllique» de l’édition.

Permettez-moi d’abord de soulever une question existentielle à laquelle nous, personnages de romans, nous heurtons toutes et tous.

Imaginez un instant que vous soyez le protagoniste d’un auteur inconnu du grand public, le héros d’une première fiction à vie, tous genres littéraires confondus. Savez-vous que, sans même avoir exprimé votre volonté, votre avenir en tant que personnage est hypothéqué à long terme, voire à tout jamais, avant même votre première apparition dans le récit ou la citation de vos premières paroles précédées d’un tiret allongé? N’est-ce pas là une prémisse d’en vouloir à mort à celui qui s’est octroyé le droit de disposer de votre avenir? À celui qui a choisi pour vous votre destinée irrévocable, particulièrement si elle n’est pas à la hauteur de vos ambitions?

Mettez-vous à ma place: convenez que, comme moi, vous désireriez vous libérer du fardeau imposé par celui qui vous aurait entraîné dans une aventure catastrophique !

Vous croyez que j’exagère?

Laissez-moi témoigner, pour ma défense, et vous exposer en long et en large, les motifs pour lesquels j’ai d’abord souhaité, puis planifié et enfin mis en scène l’assassinat de mon AUTEUR. Avec ce qu’IL m’a fait subir, vous auriez probablement suivi mon parcours, au risque, dans votre cas puisque vous existez réellement, d’être condamné pour un crime presque parfait. Comme vous le verrez, je suis pleinement en mesure de justifier les gestes qui ont permis d’assouvir ma colère refoulée et d’étancher ma soif de vengeance. En L’éliminant de l’écosystème éditorial de façon aussi catégorique, je peux devenir moi-même un personnage-auteur célèbre, un héros mythique, statut que sans nul doute devrait me consacrer le sérail fermé de mes pairs.

Installez-vous bien confortablement et laissez-moi vous raconter le drame déchirant de ma vie virtuelle.


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